lundi 15 février 2016

Cover / uncover #4 : I fought the law


Comme la plupart des gens, j'attribuais – il y a encore quelques semaines – la paternité de ce morceau bien connu au Clash. Grossière erreur !

I fought the law sortit en 1979, dans un EP (The cost of living), un single US et la version américaine du premier album du groupe, intitulé lui-même The Clash. S'il s'agit sans aucun doute de la version la plus connue, l'original remonte à une époque où Joe Strummer était encore en culottes courtes. Une oreille attentive aurait dû d'ailleurs s'en douter, tant le refrain rappelle le bon vieux rock'n roll des 50's.

La chanson fut écrite par Sonny Curtis, qui avait pris la tête des Crickets après la mort (bien trop jeune) de leur fondateur, le grand Buddy Holly. Elle figure sur le premier album post-Buddy Holly du groupe, In style with the Crickets, sorti en 1960. La mélodie est entraînante, mais le son est sec, mettant en avant le son cristallin de la guitare et la voix légèrement éraillée de Curtis. Le texte évoque l'histoire d'un type envoyé en prison après avoir été arrêté pour braquage à main armée et regrette d'être séparé de sa copine. Le tout un tantinet subversif : le prisonnier ne regrette pas ses actes illégaux, mais seulement leurs conséquences et les justifie par la pauvreté.

I'm breakin' rocks in the hot sun
I fought the law and the law won

I miss my baby and good fun
I fought the law and the law won

I left my baby and I feel so bad
I guess my race is run
She's the best girl I ever had
I fought the law and the law won

Robbin' people with a zip-gun
I fought the law and the law won
I needed money 'cause I hade none
I fought the law and the law won

I left my baby and I feel so bad
Yes my race is run
She's the best girl I ever had
I fought the law and the law won

Les différentes reprises du modèle original s'inscrivent, à mon sens, dans deux courants différents, en dehors du « canal historique », représenté par exemple par les Stray Cats sur l'album Original Cool (1993), qui livrent une interprétation assez fidèle à l'original, bien que le son soit un peu plus moderne.

Le premier courant privilégie la ritournelle de Sonny Curtis, au détriment du texte, pour un faire un chanson pour midinettes. Le premier responsable est Bobby Fuller, dont la version enregistrée en 1965, réussit à entrer dans le top ten aux USA en 1966. C'est après celle du Clash la version la plus connue de I fought the law, souvent considérée à tort comme l'original. L'interprétation du Bobby Fuller Four conserve ce que le titre de Curtis pouvait avoir d'entraînant, avec un son plus chaud, des choeurs sur le couplet. Au final, quand on voit les nénettes en minijupes se déhancher sur les vidéos de l'époque, on se demande ce que les gens comprenaient des paroles, dont l'ordre a d'ailleurs été altéré au passage. Je suppose qu'ils retenaient surtout le côté romantique (I miss my baby... et gnagnagna...). Au passage, le « zip-gun » d'origine (un méchant flingue de bric et de broc) est devenu un « six-gun » (le classique 6 coups des westerns), sans doute plus facilement représentable pour l'auditeur lambda.


On doit à Claude François d'avoir poussé encore plus loin le bouchon, dans une adaptation en français (« J'ai joué et puis j'ai perdu »), sortie en 1967. Comme il est fréquent dans ce genre d'exercice, surtout à l'époque des yéyés, le passage de l'anglais au français pervertit totalement l'original. Ici on ne retrouve plus grand chose du texte de Curtis et ce qu'il avait de potentiellement subversif devient même, à la limite, une défense et illustration du conformisme. En même temps, difficile d'imaginer qu'à l'époque du gaullisme le plus pesant et du bon temps de l'ORTF un chanteur puisse dire le contraire...


Le second courant, plus tardif, privilégie au contraire le potentiel « subversif » du texte de Curtis. De nombreux artistes s'en sont emparés, avec plus ou moins de bonheur et d'originalité, parmi lesquels, outre The Clash, BruceSpringsteen, GreenDay (très inspirés par la version Clash)...

Ma préférence ira aux Dead Kennedys, dont la version sortie sur la compilation Give me convenience or give me death (1987) est assez réjouissante. C'est rapide et abrasif, le moins qu'on puisse attendre d'eux, mais avec de très nettes allusions à la ligne de guitare de l'original. Mais le meilleur réside dans les paroles totalement revues et corrigées. A commencer par le refrain, transformé en « I fought the law, and I WON ». Ahhhh, sacré Jello !
    Drinkin' beer in the hot sun
    I fought the law and I won
    I needed sex and I got mine
    I fought the law and I won

    The law don't mean shit if you've got the right friends
    That's how this country's run
    Twinkies are the best friends I ever had
    I fought the law and I won

    I blew George and Harvey's brains out with my six gun !
    I fought the law and I won
    Gonna write my book and make a million
    I fought the law and I won

    I'm the new folk hero of the Klu Klux Klan
    My cop friends think that's fun
    You can get away with murder if you've got a badge
    I fought the law and I won
    I am the law so I won

(H. P.)