Salut et fraternité !
Nous inaugurons ici une rubrique irrégulomadaire, consacrée à l'art délicat et subtil de la reprise. L'objectif n'est pas de faire un inventaire exhaustif des reprises de tel ou tel morceau célèbre (d'autres s'en chargent déjà) et certainement pas de décréter qui est le meilleur interprète. Les choix qui seront faits dans cette chronique seront parfaitement subjectifs, des coups et des douleurs on ne discute pas... Le but est simplement de rendre justice à certaines chansons qui sont parfois plus connues par une reprise que par l'original (qui est souvent aussi bon, voire meilleur que la reprise), ou inversement de signaler quelques reprises méconnues mais fort recommandables de morceaux connus surtout dans leur version originale.
Pour cette première livraison, à tout seigneur tout honneur : Hey Joe.
***
Hey Joe est un magnifique cas
d'école. La version la plus connue est sans conteste celle du Jimi
Hendrix Experience, sur leur premier single (1966) et leur
premier album (Are you experienced ?, 1967),
la version à l'aune de laquelle toutes les autres sont
jugées, si célèbre que pour la plupart des gens il ne fait aucun
doute que le grand Hendrix est l'auteur de cette chanson. Eh bien
non ! Hendrix n'en est « que » le génial
interprète, parmi beaucoup d'autres. Hey Joe est en effet
l'une des chansons les plus reprises du monde, on compte plus de 1800 enregistrements différents.
Avant Hendrix, en 1965-1966, de
nombreux groupes avaient déjà enregistré leur propre version de la
chanson, parmi lesquels The Leaves, Love ou encore The Byrds. Rien de très surprenant : à cette époque, la
reprise est un sport très pratiqué, et beaucoup de groupes
enregistrent des albums entiers, ou presque, composés de reprises :
par exemple, le premier album des Rolling Stones, sorti
en 1964, ne comporte que 3 compositions originales.
La première version de The Leaves, un
groupe de garage-rock de Los Angeles, sortie à la fin de l'année
1965, est considérée comme le tout premier enregistrement connu :
le son est assez sale et hargneux pour l'époque (l'image aussi... dans la vidéo ci-dessous), et le tempo
beaucoup plus rapide que dans la version d'Hendrix, une particularité
partagée par les interprétations de Love ou The Byrds (personnellement, j'ai un petit faible pour cette dernière, mais je suis partial, j'ai toujours un petit faible pour les Byrds...).
En 1966, Tim Rose sort sa propre
version, plus folk et beaucoup plus lente. C'est cette version qui a
inspiré Hendrix, qui en a repris le tempo.
La paternité de Hey Joe est une
question épineuse. Tim Rose a longtemps prétendu qu'il s'agissait
d'une chanson traditionnelle. En fait, les droits d'auteur de la
chanson furent déposés en 1962 par un obscur folk-singer, Billy
Roberts, qui n'en a laissé aucun enregistrement mais qui écumait
les petits clubs de la côte ouest au début des années 1960. Si on
continue à tirer le fil, il semble que Billy Robert ait composé Hey
Joe à partir de plusieurs
sources. La suite d'accords est très inspirée d'une chanson écrite
par son ex-copine, Niela
Miller, Baby
please don't go to town,
enregistrée pour la première fois en 1962 sur l'album Songs of Leaving : quelques petits
changements, un autre texte, et hop ! Le tour est joué, voilà
un nouvelle chanson... Le thème de Hey
Joe rappelle celui d'une
chanson traditionnelle du début du XXe siècle, Little
Sadie, l'histoire d'un type en
cavale après avoir descendu sa femme. Quant au titre, l'hypothèse
est parfois avancée d'une parenté avec un tube country homonyme de Carl
Smith (1953), mais la ressemblance s'arrête là... [H. P.]
Intéressant ce morceau de Niela MILLER.
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