Voici une chanson gaie et
primesautière comme nous les aimons chez Gracchus. Ballad of
Hollis Brown figure sur le
troisième album de Bob Dylan, The Times They Are
a-Changin' (1964). Robert
Zimmerman semblant très soucieux de protéger ses droits, on ne
trouvera pas cette version sur YouTube, et l'on devra se contenter de
celle-ci, un peu moins réussie :
Sur
un thème ultra-minimaliste, quelques notes sèches autour d'un
accord unique, Dylan compte la triste histoire d'un fermier misérable
du Dakota du Sud qui, de désespoir, finit par tuer sa femme et ses
enfants avant de se tirer une balle dans la tête. Un fait divers
malheureusement courant dans cette « Autre Amérique »
que décrivait dans son essai publié en 1963 Michael Harrington (The
Other America : Poverty in the United States),
un livre qui influença la fin du mandat de J. F. Kennedy et la
« Guerre contre la pauvreté » menée par son successeur,
Lydon B. Johnson.
Ce
n'est pas la chanson la plus connue de Dylan, mais elle a quand même
donné lieu à un certain nombre de reprises. Certaines sont très
fidèles au modèle d'origine, une ballade minimaliste guitare /
chant, par exemple l'excellente interprétation, chantée avec
beaucoup d'âme, du très confidentiel Dolbro Dan.
Mais
dans la veine minimaliste, la version qui prend le plus aux tripes, à
mon humble avis, est celle qu'interprète Nina Simone, dans un live
de 1965. Le piano a remplacé la guitare, un orchestre très discret
joue en toile de fond une rythmique hypnotique, Nina Simone est
totalement en transe : observez son visage dans les dernières
secondes.
La
chanson de Dylan a aussi inspiré des versions plus
« expérimentales ». Parmi les curiosités, on citera
celle d'Iggy & The Stooges,
une version enregistrée en 1973 mais publiée en 1987 sur l'album
Death Trip, qui
regroupe quelques « fonds de tiroir » : celui-ci
fait furieusement penser à une impro en répète, une boîte à
rythme réduite à sa plus simple expression, une guitare étique,
Iggy qui semble avoir avalé un boîtier de réverb et qui prend
quelques libertés avec le texte... Dans un registre différent,
David Lynch livre une interprétation plus électro sur son second
album studio, The Big Dream (2013).
Elle a inspiré une vidéo très lynchienne que voici :
Pour
finir, quelques énervés se sont aussi emparés du titre de Dylan.
La tache est difficile, car les grosses guitares se prêtent assez
mal à une chanson aussi minimaliste. La version de Nazareth,
groupe écossais de hard-rock, sur l'album Loud 'N' Proud
(1973), est un peu lourdingue
(mais cohérente avec le titre de l'album !). Quant à celle
d'Entombed,
groupe de death metal suédois... eh bien c'est du death metal
suédois, faut aimer. Quitte à sortir le gros son, je préfère de
loin la version de Rise Against, groupe de punk / hardcore de
Chicago, au militantisme social et écolo revendiqué, sortie en 2012
sur un album de reprises de Dylan pour les 50 ans d'Amnesty
International. La vidéo ci-dessous, à mi-chemin entre le clip
classique et le documentaire, est parfois un peu démonstrative, mais
rappelle à quel point le texte de Dylan, plus de cinquante ans
après, reste toujours d'une effrayante actualité... [H. P.]
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